Professeur d’allemand dans un lycée de Strasbourg, Michel Riff profite de ses vacances pour découvrir et faire connaître les églises d’Alsace, avec un regard tout particulier sur le peuple des clochers.
Non pour rencontrer les hiboux ou autres chouettes, mais pour faire connaissance avec les cloches, anciennes ou plus récentes. Et, chaque cloche lui raconte son histoire, car, selon une antique tradition, une cloche est une forme d’être vivant qui bouge et porte son message au loin.
Depuis des siècles, les cloches sont coulées par un fondeur selon des techniques très précises et un rite ancestral. A cette occasion, elles reçoivent leur poids, leur taille et leur tonalité qui doit leur permettre de s’intégrer harmonieusement dans un carillon.
Gravées dans le bronze, les inscriptions sont destinées à donner une personnalité à la cloche : nom du fondeur, date de la coulée, nom donné à la cloche, dédicace rappelant des événements tragiques, sans oublier les noms du maire, du curé, des donateurs, des parrains et marraines. Avant d’être accrochée dans le beffroi, la nouvelle cloche réunit la population du village pour une célébration de bénédiction ; on parlait autrefois même de « baptême » !les cloches de stutzheim-offenheim
Récemment, accompagné du président du conseil de fabrique, Michel Riff a visité les deux clochers de la paroisse de Stutzheim-Offenheim. Ses découvertes sont le reflet de ce qui vient d’être décrit.
Eglise d’Offenheim
Dans le vénérable clocher du XIIème siècle cohabitent trois cloches, d’âges et de tonalités différents mais harmonieuses sur le motif dit du « Te Deum » (si - ré - mi).
La grande cloche de 387 kg a été coulée chez le fondeur Causard à Colmar en 1949. Elle succède à deux victimes de guerre : à sa place se trouvait précédemment une cloche de 1850 qui a été descendue en 1915 par l’industrie allemande pour être fondue dans les usines d’armement, puis une autre, achetée en 1924, qui a été, elle aussi, cherchée par les autorités allemandes pour servir de métal de guerre. On comprend l’appel que l’actuelle occupante du clocher lance à tous vents : «O roi de gloire, viens en paix. Annonce la paix aux bienheureux. Viens pleurer les victimes de la guerre… Que mon sort soit meilleur que le sort des cloches qui m’ont précédée ». Elle a été dédiée au Sacré-Coeur et fut bénie lors d’une grande fête du village le dimanche 8 mai 1949, jour de l’Armistice, en présence de Joseph Uhl, curé, de Laurent Lux, maire, et des parrains et marraines : Laurent Lux, Victor Lorentz, Paul Klein, Joséphine Lang, Marie Runtz et Marie- Joséphine Schotter.
La cloche n° 2 avec ses 150 kg fut coulée en 1850 par le fondeur Louis Edel à Strasbourg. A cause de sa petite taille, elle a échappé aux confiscations durant les guerres mondiales. Elle est dédiée à la Vierge Marie et fut bénie en présence du curé Ignace Bourdin, du maire François Joseph Braun, de Jacques Klein, adjoint, de Jacques Wack, président du conseil de fabrique et de Michel Grasser, laboureur.
La cloche n° 3 avec ses 122 kg est venue compléter le carillon en 1965. Coulée dans la fonderie Bachert à Karlsruhe, elle est dédiée à saint Arbogast, patron de l’église, et a été bénie le 16 mai 1965. Don de Laurent et Lucie Lux, Alphonse Roehrig étant curé de la paroisse.
Eglise de Stutzheim
Le clocher de Stutzheim abrite trois cloches dont deux proviennent encore de l’ancienne église démolie en 1867. Leurs tonalités sont assez délicates à déterminer ; on peut retenir : si bémol - ré - fa.
La plus grande a été acquise en 1817 après les troubles de la Révolution ; elle pèse 312 kg et a été coulée dans la fonderie Jean Louis Edel de Strasbourg. Elle est dédiée aux apôtres saint Pierre et saint Paul, patrons de l’église. Elle porte un texte de saint Paul : « Leur voix a retenti par toute la terre », avec la mention : « Stutzheim ». Le sort de cette cloche est assez particulier. Réquisitionnée par les autorités allemandes en 1915, elle fut miraculeusement retrouvée après la guerre sur un dépôt à Francfort et, grâce à l’inscription, restituée à Stutzheim, contre paiement. Le 3 avril 1944, elle fut à nouveau descendue pour servir de métal de guerre, et à nouveau elle fut retrouvée. Après avoir été exposée, avec bien d’autres compagnes sur la place de la cathédrale de Strasbourg, elle est revenue reprendre sa place dans le clocher de Stutzheim.
La cloche n° 2 remplace deux victimes de la guerre. A sa place se trouvait d’abord une cloche de 200 kg dédiée à l’Immaculée Conception et acquise en 1888 lors de la construction de l’église ; réquisitionnée en 1915, elle disparut dans les usines d’armement. Pour la remplacer, la paroisse a acheté en 1925 une nouvelle cloche de 247 kg fondue chez Causard à Colmar et dédiée à sainte Jeanne d’Arc. Survint une nouvelle guerre avec ses réquisitions : Jeanne d’Arc partit le 3 avril 1944 sans jamais revenir. Quand la paix fut rétablie, la paroisse a acheté une nouvelle cloche coulée en 1951 dans la fonderie Causard à Colmar ; elle reçut le nom de celle qu’elle remplaçait. Malheureusement, à peine quelques années plus tard, cette nouvelle Jeanne d’Arc a perdu sa voix ; il a fallu la refondre à Colmar et refaire la bénédiction le 5 juillet 1959. L’inscription en latin est émouvante : « Je prie le Seigneur pour qu’il exhorte son peuple fidèle à maintenir chaque jour la paix et à servir la concorde dans l’amour du Christ. Que je puisse lui servir de modèle dans cet office ». Etaient présents en 1951 : le curé Joseph Uhl, le maire Jean Pfister, les parrains et marraines Joseph Knab, Lucien Hartz, Joseph Pfister, Marie Lommelé, Madeleine Simon et Hélène Jost. En 1959, Alphonse Roehrig, curé.
La cloche n° 3 a échappé aux réquisitions des guerres, en raison de sa petite taille. Coulée par Jean-Louis Edel en 1888 lors la reconstruction de l’église, elle est dédiée à saint Joseph. Sur sa robe de 125 kg, elle porte les noms du curé Aloyse Rieffel et du maire Michel Quirin.
Et ailleurs ?
Le campanophile Michel Riff a le souci de partager ses découvertes. D’ici quelques temps, les textes, les sons et les photos de Stutzheim-Offenheim seront consultables sur le site :
Il se déclare aussi prêt à faire de nouvelles découvertes dans les clochers du Kochersberg et d’ailleurs.
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Albert Lorentz